Lifes dances on : Robert Frank in dialogue.(MOMA Publish.)

Catalogue de la première exposition solo de Robert Frank au Moma (jusqu’en janvier 25), qui coïncide avec le centenaire de sa naissance.

Dès sa sortie, le premier livre notoire de Robert Frank, « Les Américains », fut une gifle.

Singularité de forme et de discours, Frank, l’européen aux semelles de vent posait sur l’Amérique des années 50 un regard serré, interrogateur, d’une beauté dérangeante (le livre fut originellement publié par Robert Delpire en 1958 en France, et l’édition américaine qui suivit expurgea les textes et légendes d’autrices et auteurs qui y figuraient et ne retint que quelques légendes produites par Jack Kerouac. L’Amérique, son marketing sans pitié.)

Au fil des republications ultérieures, Frank multiplia les variantes, techniques d’impressions et cadrages.

Exploration déjà.

« Life dances on » se consacre à cette veine du travail de Robert Frank, dans les décennies qui suivirent. Explorer, varier, remettre en question. Respirer.

La réputation de « The Americans » a consacré, voire installé Frank comme figure tutélaire de la photographie. Et je veux bien croire que le photographe aura lutté pour ne pas trainer cette toge sa vie durant, là même que souffrances et drames (la mort de sa fille Andrea) n’auront cessé de surgir et transpercer son oeuvre. Obscurité, lumière.

J’ai remis la main sur le premier livre de Robert Frank que j’ai pu m’acheter (un Photopoche d’occasion, édition de juillet 1985. Le bouquin est un des survivants d’un incendie qui enfuma l’immeuble où je vivais alors). Tout y est : des « Américains », le cowboy flou, les Hells Angels noirs, cette femme en American gothic, ces solitudes, ce regard distancié, poétique et implacable (sans quoi…), ces cadrages urgents… et bien sûr, les dunes de Mabou, Nova Scotia, James Baldwin, les tirages/collages/montages, le cadre mis en abîme, théatralisé, cadre explosant le cadre...

J’avais alors aimé ce tout, cette oeuvre que l’oeuvre vient périmer et prolonger à la fois, et j’ai replongé, aimant plus loin encore cette luxation du regard qui seule ouvre à s’attarder sur d’autres cisaillements, sur la confusion d’un monde prétendument nouveau et prodigue.

Life dances on.

Il est possible que l’expo traverse un jour l’océan, accompagnée d’une version française de ce livre. En attendant, quelques librairies dont la Librairie Autour du monde font le choix risqué et essentiel de le proposer dans sa version américaine, via un distributeur tout aussi audacieux (choix qui conduit à proposer un rayon photo/arts exigeant, surprenant, comme peu de librairies s’y aventurent).

Autres publications :